Note d’intention.

1. Le temps du tournage
Pour des raisons économiques, le temps alloué au tournage est fixé à trois semaines. Cependant, cela ne doit pas nous empêcher d’aller à la rencontre des gens et de prendre le temps de mettre en confiance les personnages. En effet, l’aspect humain reste essentiel dans ce documentaire. Des tranches de vie, la parole des interviewés et les gestes et pratiques du quotidien refléteront la nature des rapports entre individus, comme, par exemple, la structure de la famille. Nous resserrerons donc notre documentaire sur l’étude approfondie de deux personnages. La parole sera restituée sans interprétation de notre part, excepté le montage.

2. Parole(s)
Ce documentaire durera 52 mn. La présence d’une trame lui donnera un caractère fictionnel et permettra de structurer les différentes séquences. Le présentateur de radio rythmera les différentes parties du film. Il est un recours efficace pour situer le lieu, la date et les différents enjeux de l’action et évite une intervention de notre part à l’écran. Il apparaît à l’écran lors de la première scène, puis passe en off très rapidement, pour ensuite faire place aux images. La présence d’un transistor et de ses commentaires en off le font revenir de manière allusive.
Afin d’éviter la monotonie, les séquences d’interviews se présenteront comme suit :
-plan fixe de la personne dans son environnement (voix in).
-plan de la personne en train de marcher (voix off) ; celle-ci peut être interrompue par des rencontres mais le commentaire continue ; le son direct s’y mêle.
-plan de la personne dans ses activités diverses (son in).

Les interviews seront traités sans doublage ni sous-titrage. Un étudiant saint louisien fera partie de l’équipe de tournage. Il nous permettra d’approfondir les interviews lorsque nos connaissances feront défaut. Il sera également présent dans le champ en tant qu’interprète pour les passages en wolof. Nous ne dissimulerons pas notre présence ni celle d’une caméra aux spectateurs. Les regards caméra ne seront pas évités et seront même mis en valeur pour le deuxième personnage qui entretiendra un rapport plus direct avec le spectateur. Il sera en effet possible que les personnages nous interpellent pour nous inviter à les suivre dans leurs déplacements.

3. "Chacun a ses raisons" (Jean Renoir)
Nous centrerons notre attention sur deux personnages que nous suivrons dans leur activité quotidienne. Le premier sera un habitant de Pikine, quartier le plus défavorisé, dont la maison sera sinistrée. Il a peut être lui-même construit sa maison ou bien ce sont ses parents. De toute façon depuis qu’il habite là, il est chaque année inondé mais il ne peut probablement pas habiter ailleurs, faute de moyen. Il attend donc la pluie, sans trop réagir : il a l’habitude. Nous laisserons au spectateur le temps de connaître ses raisons. Nous nous attacherons également aux détails de sa vie privée, ses objets familiers, l’intimité de son foyer, ses petites habitudes. Nous chercherons à capter son imaginaire, par des regards hors-champ, des évocations de ses aspirations. Nous tenterons de rendre ce personnage attachant afin de permettre une identification du spectateur. Ce personnage nous permettra de rentrer de plain-pied dans une réalité de Saint Louis.

En contrepoint notre deuxième personnage sera membre d’une association locale qui mène de nombreuses actions auprès des sinistrés. Ce sera un personnage très actif et très renseigné sur les différents phénomènes liés aux inondations. Nous le suivrons essentiellement dans sa vie publique. Il nous fera également découvrir le réseau très dense des associations locales. Ce personnage sera autant mis en valeur que l’habitant de Pikine. Un clivage s’établira alors chez le spectateur, qui acceptera les deux positions pour ce qu’elles ont d’également justifié.

Entre ces deux personnages, s’intercalent ponctuellement des personnages secondaires dont le rôle est d’informer le spectateur d’une manière plus directe : un responsable de la gestion du barrage, un élu local, un responsable de dispensaire.

Nous rendrons également sensibles les décalages entre les discours des différents personnages afin de montrer au spectateur la complexité du phénomène. Par le dispositif filmique, nous mettrons en valeur leur statut au sein de la société : cadrage, rapport au décor, rapport à la caméra. Si fossé il y a entre les différentes composantes de la société, nous tâcherons de les retranscrire par un montage marqué.

4. Importance du regard.
En tant qu’équipe française, nous ne voudrions pas nous limiter au regard européen. En effet, vu les rapports complexes qu’ont entretenus l’Afrique et l’Europe, nous sommes conscients de nous avancer sur un terrain glissant et que nous risquons à chaque instant de poser un regard trop restreint sur des réalités qui nous échappent. Pour cela nous souhaitons une collaboration active avec un étudiant du centre cinématographique de Saint-Louis. Ceux-ci nous viendraient en aide au niveau de la préparation – repérages, rencontres préliminaires avec les intervenants… comme au niveau du tournage. Malheureusement, nous n’aurons pas la possibilité de travailler le montage en commun, vu les structures à disposition à Saint-Louis. Nous prévoyons donc, après l’élaboration d’un premier montage en France, de le faire parvenir à l’équipe sénégalaise. Nous prendrons en compte leurs remarques éventuelles, pour modifier le projet en conséquent.

En effet il s’agit de prendre en considération la parole des saint-louisiens, et d’essayer de dégager au fil des interviews des réponses à ces questions :

- A court terme, comment les organisations locales pallient-elles les problèmes d’inondation ?

- A moyen terme, comment les institutions tentent de développer des programmes d’urbanisation qui pourraient conduire à des solutions plus durables ?

- Mais sur le long terme, comment la construction du barrage a modifié l’environnement écologique de la région ? La notion de "développement durable" sera alors abordée.